Dans les entrailles de Potosi et arrivée à la capitale
- Jo and Még
- 1 mai 2018
- 6 min de lecture
Ce matin, nous quittons l’Hostel vers 8h20 après y avoir laissé nos sacs. Nous allons visiter quelque chose d’assez spécial : une des 200 mines qui s’enfoncent dans les boyaux de la cerro ricco, la colline gorgée de minerais qui domine la ville. Petit rappel, c’est grâce à l’exploitation de cette colline que Potosi a reçu son statut de ville Impériale et que l’Espagne (et l’Europe) est devenue riche, aux dépends des indigènes Quechuas, Aymaras et des esclaves africains. Eternelle rengaine des colons qui exploitent les locaux et détruisent leur culture et leur économie (Afrique du Sud, Indonésie, Polynésie…) ! Quoi qu’il en soit, de nos jours environ 33 000 hommes et femmes travaillent dans les mines aux environs de Potosi. 99% sont des hommes, c’est un milieu très très machiste ! Mais aussi traditionnel : le grand père apprend son travail au père, qui l’apprend au fils…Jusqu’il y a quelques dizaines d’années, c’était normal que des enfants aident leur père et ratent l’école. Plus de nos jours heureusement, ou beaucoup moins. Les femmes ne peuvent entrer dans la mine (superstition), mais aident entre autre au tri des minerais.
Nous arrivons à 8h38 à l’agence, le gars (Willy) nous attend déjà. Nous ne serons que 3 pour ce tour ; nous deux et une Française fort sympa répondant au nom d’Elodie. Willy parle très bien Français, et est un ancien mineur…Il est donc une mine d’informations pour nous (il fallait qu’on la fasse désolé) et satisfait notre curiosité !
Nous enfilons notre équipement de sécurité (pantalon, bottes, veste, ceinture avec casque et frontale), et partons au marché des mineurs acheter deux trois babioles à distribuer aux mineurs que nous rencontrons : barres de TNT, boissons sucrées, cigarettes, feuilles de Coca... 15% du prix de notre billet va à une coopérative de mineurs, il y a donc une petite vocation sociale à notre trip !
Nous sommes bien contents d’avoir Willy avec nous ; les mineurs ne semblent pas perturbés par notre présence. Nous entrons par l’un des nombreux tunnels, il fait frais à notre grande surprise. Nous qui pensions étouffer…Nous suivons notre guide et écoutons à la lettre ses recommandations. Attention à l’aiguillage, attention la tête… Les tunnels partent dans plusieurs directions, nous nous enfonçons davantage mais ne croisons pas tant d’hommes au travail que ça, hormis deux mineurs chargeant un wagon et le poussant jusqu’à l’extérieur. Willy aux petits soins nous demande très régulièrement si nous allons bien. Mégane a un coup de calgon, elle sent qu’elle respire moins bien et panique un peu. Willy la rassure et la fait s’assoir dans un endroit davantage ventilé (oui il y a des tuyaux d’air comprimé depuis peu dans les mines). Mégane s’assoit et essaye de reprendre ses esprits. Ce serait trop dommage de devoir ressortir ! Finalement Willy sort une petite bouteille de sa poche : une bouteille d’alcool éthylique à 96%. Rassurez vous ce n’est pas pour boire (du moins pas maintenant ^^). Willy met quelques gouttes sur les tempes de Mégane, Mégane en respire et en met sur sa poitrine. Efficace, et surprenant ! En peu de temps, ça va beaucoup mieux ! Nous repartons doucement mais surement dans les entrailles de cette montagne. Nous grimpons deux échelles en bois d’eucalyptus et arrivons à un endroit où se trouvent trois mineurs ; ils sont en train de réparer le moteur d’un treuil qui achemine des minerais des étages inférieurs jusqu’à un genre de toboggan où ils dévalent dans les chariots (ces derniers pouvant peser jusqu’à 1 tonne !)…Willy leur offre des bouteilles et feuilles de coca que nous avions acheté. Ces trois hommes ne sont pas si vieux mais travaillent à la mine depuis bien longtemps déjà ! Quelle vie ! Peu d’échange avec les mineurs, ceux-là étant occupés, nous ne les dérangeons pas plus longtemps et redescendons nos deux échelles. Mégane n’est pas fière : vertige oblige, mais ne dit rien et prend sur elle ! Nous nous baladons assez longtemps dans les boyaux et perdons la notion du temps. Le dernier stop se fait au Tio, genre de démon vénéré par les mineurs. Ils font des offrandes de cigarettes, d’alcool, de coca…Pour que ça se passe bien dans la mine. Longue explication intéressante de Willy sur les coopératives. En deux mots, ça devrait être bien pour les ouvriers (mineurs), mais le mode d’exploitation de la mine est le suivant : les groupes (par exemple hommes d’une même famille) travaillent pour des associés (les chefs) qui achètent le droit de miner (concession) au gouvernement. Ce sont les associés qui ont du pouvoir dans la coopérative, qui est en quelques sortes un syndicat des patrons. Vu la corruption, la voix des ouvriers n’est que rarement entendue…Willy fait des offrandes au Tio et lui met de l’alcool sur la tête (on peut aussi lui en mettre sur le penis ^^). A notre tour, nous faisons de même et buvons une petite quantité d’alcool, ça réveille, on le sent bien où ça passe ! Midi, que le temps passe vite, nous ressortons de la mine couverts de poussière, et éblouis par le soleil, nos yeux s’étaient habitués à l’obscurité.Nous retirons nos vêtements prêtés par Willy. En conclusion, nous sommes ravis d’avoir pu vivre cette expérience, avec un sentiment d’être retournés dans le passé. Nous pensions que l’expérience serait « glauque » mais c’était davantage intéressant que bizarre. Cependant, nous sommes quand même choqués de voir les conditions dans lesquelles ces hommes travaillent : longue journée de travail (10 à 12h par jour voire plus avec le dimanche de libre), manque d’oxygène, les hommes se contentent de chiquer de la coca tous les jours (coupe faim et énergisant), dangerosité des lieux (trous à des dizaines de mètres de profondeur), substances nocives dans l’air dont la silice qui provoque des silicoses. L’espérance de vie n’est pas longue, 50 ans tout au plus…
Nous remontons en voiture et retournons à la réalité, il est temps pour nous de remercier Willy et de lui dire au revoir ! Nous saluons également Elodie (peut-être la reverrons nous sur Sucre). Nous n’avons pas loin à marcher, nous mangeons dans un petit restaurant qui ressemble à notre KFC. Retour à notre hôtel pour récupérer nos gros sacs et nous prenons un taxi pour rejoindre la gare de bus qui nous mènera à Sucre. On se rend bien vite compte de l’étendue de la ville de Potosi, après 20 bonnes minutes de route nous arrivons à la nouvelle gare routière. Nous n’avons pas le temps d’y mettre les pieds qu’une dame nous alpague et nous demande si nous allons à Sucre. « Oui effectivement », nous lui achetons deux tickets et lui demandons à quelle heure est le bus ? C’est maintenant dit-elle ! Vite un tour au pipi room pour Mégane et nous embarquons. Le bus est quasi plein avec une majorité de boliviens. Près de 3h de trajet nous attendent, nous mettons du temps à quitter Potosi et sommes finalement bercés par le bus. Une bonne sieste, ça fait du bien ! Ce sera finalement 3h30 de trajet pour arriver au terminal de bus de Sucre, le bus ayant fait un méga détour et déposé des gens un peu n’importe où dans la ville.
Nous récupérons nos sacs et partons en quête d’un taxi, nous en trouvons un sans aucun souci.
Le gars est super sympa, et nous papotons un peu durant le trajet, il nous dépose bien rapidement à notre hostel : Quechua B&B. Le gars n’ayant pas de monnaie, Jojo part en courant demander du change à la réception de l’hôtel. Pas facile de trouver cette dernière, mais il tombe dessus avec l’aide d’une Anglaise. Trois petites filles sont à la réception, elles me mènent vers leurs père (propriétaire des lieux). Il fouille pendant 5 minutes dans son portefeuille mais n’a pas le compte…Bon le temps presse ; Jojo finit par demander à une Hispanique et le tour est joué ! Nous arrivons avec nos gros sacs dans le genre de cour intérieure remplie de monde. Felix, le proprio, nous indique notre chambre. Seul souci : celle-ci n’est pas faite et est encore partiellement occupée par deux Français qui demandent à Felix s’ils peuvent prolonger de quelques nuits…Oui Babar, à 18h00 le jour même alors que la chambre est supposée être vide depuis 10h00… Felix leur dit que ce n’est pas possible vu qu’on avait réservé via booking la veille. Ils sont déconfits, mais bon hého il fallait y penser avant !
Nous allons en ville manger un bout pendant que Felix fait la chambre (Joyeux Noël Felix !). On se croirait dans un autre pays, c’est dingue…Maisons coloniales blanches, avenues propres, nombreux gringos, Boliviens plutôt de type hispanique ou métissé, très peu de profils Incas. On lira dans le guide que Sucre, avec Santa Cruz, forme un bastion de droite hostile à la politique d’Evo Morales et où les indigènes sont marginalisés au profit des créoles (type espagnol) et des métisses. La ville est jolie, mais après Potosi on n’apprécie pas trop l’ambiance et on a l’impression d’être rentré en Europe. Quoi qu’il en soit, nous passons une bonne heure à manger des pizzas en cône et à faire le blog.
Nous rentrons vers 20h30, la chambre est prête (youpie !). Jojo va se laver dans une petite pièce comportant une toilette, un lavabo et une douche qui inonde le tout. Le meilleur est qu’il manque une planche à la porte et qu’il voit les gens de dehors ! Ca doit être pareil pour eux, mais après tout Jojo n’a rien à cacher…

Panoplie complète du mineur :feuille de coca, alcalisant et alcool à 96°

& la dynamite ainsi que le nitrate d'ammonium (pour intensifier l'explosion)

A l'entrée de la mine






Joran et Willy notre guide

El Tio



